AURELIE BRESSON – Fondatrice et Directrice du média Les Sportives

Chaque mois, l’équipe édito de l’UNFE fait tomber la chasuble et, stylo et carnet en main, part à la rencontre de personnalités emblématiques de l’industrie du sport. Notre rubrique ‘La Rencontre’ vous invite à découvrir des sujets sociétaux et footballistiques à travers le profil d’hommes et femmes qui font avancer les choses, tout simplement.

Aujourd’hui, à l’occasion de la Journée Internationale de la Femme, c’est avec plaisir que nous partageons notre entretien avec Aurélie Bresson, Fondatrice et Directrice du média Les Sportives, récemment désignée Présidente de la Fondation Alice Milliat et aujourd’hui, naturelle ambassadrice et actrice majeure dans l’avancée de ce sujet vaste et au fort potentiel qu’est le sport féminin.

Nous tenons à remercier Aurélie pour ces échanges ouverts, passionnés mais également pour sa disponibilité malgré un emploi du temps que nous imaginons chargé, sa gentillesse et le partage d’un pan de sa vie offert en toute franchise et modestie.


Le CV – Qui est Aurélie Bresson ?

Originaire de Roye en Haute-Saône, Aurélie Bresson est, à 32 ans, une figure établie de la promotion et de la valorisation du sport féminin en France. Dès l’enfance, elle est bercée par l’engagement associatif fort de ses parents, gestionnaires d’une association de cibistes, leur participation à de nombreux évènements et rallies caritatifs expliquant l’impact déterminant sur sa personnalité et la femme qu’elle est aujourd’hui. Egalement passionnée de sport dès son plus jeune âge, Aurélie pratiquera la gymnastique pendant 11 ans avant que son père l’incite à arrêter cette activité en faveur d’une carrière en mannequinat et participation aux concours de Miss.

’J’adorais le sport mais on me reprochait d’être trop garçon manqué, mes cheveux toujours attachés, pas de make-up et jamais sans mes joggings. J’étais la plus heureuse du monde mais tout le monde ne le voyait pas de cet angle. Cette étape de mon histoire personnelle a joué un role essentiel dans mon parcours et mon appropriation du corps par le sport, mais aussi du sport par le corps’’.

Etudiante en DUT Infocom à Besançon de 2006 à 2009, elle décide ensuite de s’installer à Paris pour y valider un Master en communication. Diplôme en poche, elle s’oriente vers les relations publiques, presse et communication pour le Tour de France, l’UNSS et l’UFOLEP et désormais l’agence Thalamus. A chaque étape de sa vie, Aurélie maintient toujours un pied dans le sport. 

En 2016, Aurélie crée Les Sportives, le premier média papier 100% consacré au sport féminin et en 2020, devient Présidente de la Fondation Alice Millat, 1ère Fondation Européenne œuvrant pour la promotion et le développement du sport féminin.

Aujourd’hui grande communicante et sportive passionnée, une femme de parole et d’actions, Aurélie Bresson assure ses différents rôles avec détermination, engagement et toujours avec le sourire !

Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur le média les Sportives ?

Créé il y a 5 ans, les Sportives est un média d’informations, de reportages, d’idées et reconnu comme le média de fond de référence du sport féminin qui fait avancer les mentalités. Avec le souhait de maintenir une ligne éditoriale claire et engagée, ‘’le média Les Sportives est un défricheur de l’air du temps, sociétal, avec un regard spécifiquement donné aux femmes dans le sport. Le sport de haut niveau comme le sport amateur y ont leur place, les spectatrices comme les pratiquantes y sont présentes, les enseignantes ou encore les dirigeantes y sont mises à l’honneur’’.

Ce trimestriel tiré à plus de 10.000 exemplaires en France et Belgique n’est pas seulement un magazine, c’est aussi une ode et le porte-drapeau d’une large communauté qui se développe à vitesse grand V. Et bien que le sujet soit la place de la femme dans le sport, il est important de noter que près de la moitié des lecteurs des Sportives sont des hommes.

Comment cette aventure a-t’elle commencé ?

‘’Même si j’ai toujours eu une passion pour le sport et le milieu associatif, mon combat pour le sport féminin est né assez tardivement, lorsque j’étais étudiante en DUT Infocom à Besançon. Le monde des médias et cette ambivalence Communication/information m’intéressaient déjà beaucoup et je souhaitais être journaliste. Je n’étais pas vraiment un rat de bibliothèque mais plutôt un rat des kiosques ! A cette époque, j’observais aussi beaucoup mes amies étudiantes sportives de haut niveau autour de moi. Je faisais mon DUT en deux ans alors qu’elles avaient un emploi du temps aménagé sur trois ans pour effectuer leur cursus. Je les voyais parfois manquer les cours en raison d’entrainements et mettre de côté une importante partie de leur vie étudiante en faveur de leur pratique sportive. Je les ai beaucoup observées, j’allais aussi aux matchs car j’étais déjà très ‘sport’. C’était un club de bon niveau, mais très peu de médias parlaient d’elles et ce manque de visibilité me surprenait’’.

Ce constat amer ressurgit en 2011, lors de son stage de Master 2 au service communication du club féminin de Metz Handball – Ce fut le déclic pour Aurélie Bresson.

“Dans le cadre de mon mémoire dédié au sport au féminin, je suivais les matchs des filles mais retrouvais à peine trois lignes dans la presse le lendemain. Nous n’avions pas la force des réseaux sociaux et cette visibilité digitale que nous avons aujourd’hui. J’assistais également à de nombreux colloques et conférences sur le sujet et la question de la mal médiatisation du sport féminin revenait à chaque fois. Pour moi, ce qui a commencé par juste feuilleter la presse est devenu un vrai travail d’étude de marché et en effet…il existait un réel fossé médiatique entre les supports féminins et les supports sportifs, un vrai besoin éditorial. Où sont les sportives ? Où peuvent-elles se retrouver ?”.

L’idée a germé et s’est développée en un concept visionnaire au fil des rencontres d’Aurélie, mais aussi au travers de ses expériences professionnelles et personnelles. Elle y a vu une opportunité d’associer passion et conviction et en 2016, le média Les Sportives naît. Aujourd’hui, c’est un média solidement établi mais innovant qui inspire les femmes à s’approprier le terme ‘sportive’ et offre un sentiment de sororité rassurant tant aux pratiquantes qu’aux spectatrices.

Etes-vous une sportive vous-même ?

Aurélie Bresson est une sportive à deux visages.

‘’Je suis une sportive de passion et de conviction. Je suis une passionnée de course à pied, de randonnée et ancienne gymnaste. Quand je fais du sport, quand je cours, c’est pour être libre, pour me réapproprier mon corps – pas pour la performance. Je suis également engagée et investie dans l’avenir du sport féminin et son potentiel’’.

Selon vous, quels sont les 3 éléments qui différencient un sportif d’une sportive ?

‘’C’est justement de ne pas établir cette différence qui est important. Je dirais seulement que, au-delà de l’aspect physique et une approche de la performance différente chez les hommes, les sportives ont une démarche plus sociale. Le sport féminin soulève naturellement des questions sociétales, comme nous avons pu le voir par exemple lors de la Coupe du monde féminin et les polémiques autour de l’égalité salariale. Les joueuses commencent à s’exprimer et l’enjeu va parfois bien au-delà du sport. Aussi, je dirais que la sportive a une approche plus sensible au sport et utilise souvent son activité physique en lien à une cause, pour se mobiliser. Enfin, juste le terme Sportive offre une large variété de différences, on a toutes une sportive en nous’’.

Y’a-t-il une rencontre ou moment qui vous a particulièrement marqué dans cette aventure ?   

Sans longuement hésiter, Aurélie Bresson nous répond : Oui, Béatrice Barbusse.

Béatrice Barbusse est sociologue du sport, auteure du livre ‘Du sexisme dans le sport’, Vice-Présidente Déléguée à la Fédération Française de Handball et la première femme en France à être présidente d’un club sportif professionnel masculin.

‘’Il y a 7 ans, nous nous sommes retrouvées autour d’un café. A cette époque, l’idée de créer le média Les Sportives trottait déjà bien dans ma tête, mais se bousculait aux nombreuses autres questions associées au lancement de ce projet. Est-ce que je suis légitime ? Suis-je trop jeune ? Est-ce que…’’

Aurélie lui a présenté l’idée des Sportives, mais aussi ses doutes. Le projet a interpellé Béatrice Barbusse et ses mots ont eu un effet déclencheur sur la jeune femme de 25 ans. ‘’Lance-toi, tout ce que tu risques c’est que ça marche. Ne pas faire sienne la limitation des autres.’’

Sans savoir que ce café changerait le cours de sa vie, Béatrice Barbusse est depuis ce jour un mentor pour Aurélie, presque un leitmotiv qui l’accompagne à chaque étape de sa vie, dans son travail et la construction de ses convictions.

Avec l’impact positif engendré par le succès du magazine Les Sportives et votre travail au quotidien pour défendre la cause du sport féminin, vous avez été récemment désignée Présidente de la Fondation Alice Milliat. Pouvez-vous nous en dire plus ?

La Fondation Alice Milliat est la première fondation européenne en faveur du sport féminin. En 2020, Aurélie Bresson a été désignée Présidente, à l’unanimité, par le comité exécutif de la Fondation. Elle présidera, pour les deux années à venir, cette structure qui valorise les initiatives et accompagne financièrement le mouvement sportif féminin.

Qui est Alice Milliat ? Née en 1884 à Nantes, Alice Milliat pratiquait l’aviron, le hockey et la natation. Elle militait pour que les Jeux Olympiques s’ouvrent aux femmes et crée la Fédération sportive féminine internationale (FSFI) en mars 1921 – il y a 100 ans exactement ce mois-ci. Malgré son nom tombé dans l’oubli pendant de nombreuses années (ndlr : son nom ne figure même pas sur sa sépulture à Nantes), Alice Milliat est désormais reconnue comme l’une des plus grandes militantes du combat pour la reconnaissance du sport féminin au niveau international et la genèse des discussions sociétales d’aujourd’hui.

‘’Alice Milliat est au sport féminin ce que le Baron de Coubertin est à l’olympisme’’ explique Aurélie Bresson.

La Fondation qui porte aujourd’hui son nom a été créée en 2016. (ndlr : la même année que le lancement du média Les Sportives).

Aujourd’hui, lundi 8 mars 2021, journée internationale de la femme et 100 ans après le début de son combat pour le sport féminin, Alice Milliat fait son entrée dans le hall d’accueil du siège du Comité national olympique et sportif français (CNOSF). Elle y rejoint Pierre de Coubertin, qui accueille les visiteurs de l’institution depuis 1992. En présence ministérielle, une cérémonie est organisée pour dévoiler la statue qui est déjà perçue comme un symbole et message fort de la part des instances que la place des femmes dans le sport évolue.

Que représente cette nomination à vos yeux ?

‘’Quand la Fondation Alice Milliat m’a contactée pour me proposer la position de Présidente, il m’a fallu deux mois pour prendre une décision. A aucun moment je n’ai douté de la cause ou bien des missions proposées. Je souhaitais juste m’assurer que structurellement je pouvais déléguer certaines missions au sein des Sportives et que je pouvais m’investir à 100% dans ce nouveau challenge que je ne prenais pas à la légère. Aujourd’hui, c’est un honneur pour moi de prendre la présidence de la Fondation exactement 100 ans après le début du combat d’Alice Milliat. Je milite aux cotés de toutes ces personnes que j’ai admirées et suivies pendant plus de 10 ans, et qui ont marqué mon parcours. Il y existe un vrai dialogue, les jeunes sont entendus, les plus anciens de la Fondation t’ouvrent la porte et te font confiance. Et j’ai eu le plaisir d’y retrouver Béatrice Barbusse !’’ (Ndlr : membre du Comité Exécutif de la Fondation).

Lors d’un entretien avec le Parisien (2016), vous avez dit je cite ‘La femme est l’avenir du sport’, pourriez-vous nous en dire plus ?

Aurélie sourit à cette question.

‘’En 2016, lorsque j’ai répondu à cet entretien pour le Parisien, c’était aussi l’année du lancement des Sportives, et j’étais là, jeune passionnée avec mes gros sabots ! Aujourd’hui, avec du recul et l’expérience de ces dernières années, je reformulerais cette déclaration. Je dirais que nous sommes arrivés à une impasse pour le sport masculin et que le sport féminin est l’avenir de l’économie du sport. Je ne suis pas là pour dire que ‘les femmes sont les meilleures’, loin de là, mais je pense qu’il y a une réelle opportunité à saisir. Surtout d’un point de vue Sport Santé qui a un angle féminin évident.”

Et au quotidien, quel est le frein selon vous pour ces femmes qui n’osent pas mettre leur paire de basket et se lancer au sport ?

‘’Je ne veux pas généraliser et répondre au nom de toutes, donc le premier frein qui me vient en tête est basé sur ma propre expérience et peut-être que d’autres sportives s’y retrouveront. Personnellement, je suis une grande runneuse, j’adore courir dans Paris. Mais je n’en pouvais plus de me faire embêter, siffler et me sentir en insécurité dès que je sortais pour un run. Je m’interdisais de courir le soir. Le regard de l’homme, se faire observer, était pour moi un frein important. Depuis, j’ai déménagé.

Je dirais aussi que les préjugés sociétaux et le poids culturel qui nous collent aux baskets peuvent être un frein. Tu vas t’abîmer ton corps, tu vas devenir un garçon manqué, une femme qui fait du sport c’est pas vraiment du sport etc. Et la grande question : Suis-je capable ?”

Pensez-vous qu’il y a un intérêt pour une femme d’effectuer du sport au sein de sa propre entreprise? Si oui, quel serait-il?

‘’Le sport en entreprise est clé pour que les femmes se mettent davantage au sport. L’entreprise offre un cadre sécurisé et sécurisant et un réel accompagnement. Cette solution majeure au développement du sport féminin est bénéfique à la productivité, la santé et le lien social. Aussi, faire du sport dans le cadre de l’entreprise permet de se poser moins de questions sur son planning, et permet une plus grande flexibilité.”

Nous avons constaté que nous avons beaucoup de dirigeantes exceptionnelles qui œuvrent pour le Foot Entreprise dans l’ombre mais que très rarement sur le devant de la scène. Pourquoi, selon vous?

‘’C’est ancré dans une culture que nous travaillons à changer. On en revient à la mal médiatisation du sport féminin. La femme, souvent en fonction support et très peu sur le devant de la scène, n’a pas suffisamment de role models à l’échelle grand public qui l’inspire à pousser plus loin. Plus le sport féminin et ses succès seront médiatisés, plus les femmes seront motivées à reproduire ces réussites.

Aussi, la femme a un penchant plus modeste, faire sans se vanter. Il est parfois difficile pour elle de se sentir légitime dans sa position actuelle, donc se mettre en lumière sur le devant de la scène peut paraitre une idée bien trop lointaine. Mais les mentalités changent enfin et nous constatons aujourd’hui une prise de conscience et de confiance des femmes’’.

Pour finir, quel serait selon vous un monde idéal pour les sportives ? Un monde dans lequel votre magazine n’aurait plus lieu d’être ?

‘’Le monde idéal pour les sportives, selon moi, n’est pas un monde d’égalité, mais d’équité. Pour ce qui est du magazine, quand j’ai créé les Sportives il y a 5 ans, je voulais apporter ma pierre à l’édifice pour qu’un jour on ne parle plus de sport féminin ou masculin, mais de sport tout simplement. Je me disais que dans un monde idéal, mon magazine n’aurait plus lieu d’être. Mais je réalise aujourd’hui, au fil de mes rencontres et aventures, qu’il y aura toujours des sportives. Nous sommes des millions, il y aura toujours des milliers d’histoires à raconter et il n’y aucune raison que cela s’arrête un jour’’.

Merci beaucoup pour votre temps et ces mots, Aurélie.

Rédaction: Marine Teste