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‘’Le sourire large comme ça’’, c’est l’image que nous garderons d’Azzedine MESSAI malheureusement disparu ce dimanche à l’âge de 50 ans suite à une maladie qu’il a tenue discrète, à son image. Ainé d’une grande fratrie et papa de trois enfants, Azzedine savait ce que représentait la relation humaine qu’il portait au plus haut.

Il donnait souvent discrètement et sans compter son temps et surtout son énergie pour les autres, toujours pour les autres qu’il s’agisse des jeunes des quartiers qu’il guidait, des footballeurs de son équipe de Municipaux CHENOVE qu’il encadrait, de l’équipe de son syndicat qu’il stimulait, de ses collègues du Point Information Jeunesse qu’il accompagnait, de ….etc. Lors de l’Assemblée Générale régionale du football entreprise en 2011, Azzedine avait reçu, des mains du président du district, la médaille du district de football pour son implication et son altruisme. Cette médaille récompensait un engagement sans faille.


Son club des Municipaux CHENOVE, également très impliqué au niveau caritatif, a été le premier, cette saison, à adhérer à notre association, signe de son implication et de sa volonté d’aller de l’avant. Azzedine était le guide solide de ce club bâti sur des valeurs qu’il défendait : valeurs humaines, respect, diversité et la laïcité. Il en parlait ainsi :

« Savoir perdre et savoir gagner avec dignité et respect, le goût du travail d’équipe et de l’effort sont des enseignements indispensables pour l’esprit de famille qui est le maître mot du club ».

L’UNFE et le Football Entreprise ont eu la chance de découvrir cet homme enthousiaste, sensible et investi.   Pour avoir eu cette chance de longuement converser avec lui au téléphone il y a quelques mois sur l’avenir du Football Entreprise, je me suis rendu compte de son franc parler et des valeurs qu’il défendait.

Son équipe participait régulièrement au Tournoi national FE dont il disait :

« C’est une belle aventure humaine qui montre les qualités et la richesse du football entreprise sur le territoire Français. »

Plus généralement il avait un sentiment très positif sur le Football Entreprise : « Cette pratique footballistique a toujours une longue vie devant elle, et puise sa force dans son esprit familial où l’envie de gagner reste toujours intacte. Il suffit de regarder un match de coupe nationale pour voir que la compétition fait partie de cette discipline et que la petite taille des clubs facilitent le partage et la solidarité, des valeurs que je défends au quotidien ».
Nous avions consacré, en 2016 sur notre site, un article à son club :  

https://www.unfe.fr/index.php/entretiens/109-les-municipaux-de-chenove-un-club-sportif-et-solidaire Azzedine MESSAI restera pour nous un homme engagé et au grand cœur. Sa franchise et son altruisme vont nous manquer. Le plus bel hommage que son club puisse lui rendre, c’est que ce dernier poursuive sa route sur le socle qu’a contribué à bâtir Azzedine. C’est assurément ce qu’il aurait aimé !  


Rédacteur : Daniel TESTE

Autre info (LE BIEN PUBLIC (5/4/2020) : https://www.bienpublic.com/edition-metropole-dijonnaise/2020/04/06/la-ville-pleure-la-disparition-d-azzedine-messai

Ref / http://benfodilchenove.blogspot.com/2008/04/ (23 AVRIL 2008)

AZZEDINE MESSAÏ

La saga affectueuse du Grand Frère DZ
Azzedine est la gentillesse faite homme. Et s’il fallait ne garder qu’un mot, un seul, pour le résumer, ce mot serait « altruisme ». Dans le dictionnaire, je lis : « Nom masculin. Disposition, propension désintéressée à se consacrer et à aimer les autres. Synonymes : abnégation, amour, bienveillance, bonté, charité, désintéressement, générosité, humanité, philanthropie. »

En ce qui me concerne, je lui suis redevable au bas mot – entre les mille et un services qu’il m’a rendus et autres largesses par lesquelles il m’oblige – d’une chose : c’est grâce à lui, à son précieux soutien technique, que ce blog existe. Pour tout dire, c’est lui qui a imaginé l’architecture de ce blog. De longues semaines durant, je « squattais » impunément son espace, et cette proximité créa entre nous un lien très fort qui va bien au-delà du simple fait, purement génétique, d’être tous les deux des DZ hilares et un peu dingos. DZ, ainsi aime-t-il à dire son algérianité, les deux lettres faisant référence au mot « DjaZaïr » qui signifie littéralement les îles, et qui est le nom arabe de l’Algérie mais aussi d’Alger, sa capitale, ma V-île.

Mais ce n’est pas pour cela que je voudrais parler de lui.
Je suis un peu embêté parce que tous mes amis de la bibliothèque méritent un hommage (quoi que je n’aime pas trop ce mot qui résonne comme une oraison funèbre, quelque chose en tout cas de guindé et de grandiloquent). J’aurais eu davantage de temps, j’aurais consacré un portrait pour chacun de ces angelots. Je le dis avec une émotion sincère et sans sensiblerie aucune : je ne sais plus comment me passer d’eux. Dans une semaine jour pour jour, j’aurais quitté Chenôve, ses gens, ses murs, ses paysages, et le magnifique personnel de la bibliothèque qui m’a honoré avant-hier d’un déjeuner…je ne dirais pas d’adieu, mais un déjeuner qui sentait un peu la fin de quelque chose. L’épilogue d’une merveilleuse aventure humaine qui, je l’espère, je le pense, ne fait que commencer.

Donc, si je zoome sur Azzedine, c’est pour lui dire ma tendresse et mon amitié certes, mais aussi pour saluer à travers lui le travail remarquable accompli par tous ses collègues, sans exception.

Comme j’ai eu à le présenter très succinctement dans de précédentes chroniques, Azzedine est le « Monsieur Internet » de la Bibliothèque François Mitterrand de Chenôve. Il est le responsable de l’EPN, l’Espace publique numérique, l’un des compartiments les plus visités de notre chère médiathèque. L’EPN a d’autant plus gagné en importance que la ville de Chenôve ne compte à ma connaissance qu’un seul cybercafé, celui qui se trouve au sein du centre commercial Saint-Exupéry, tenu par des Indiens. Mais il serait erroné d’alléguer que c’est l’insuffisance des cybercafés ou la gratuité de la prestation qui vaut à Azzedine autant de sollicitations et de sollicitude.

Pour l’avoir côtoyé depuis voilà presque deux mois, je peux dire sans flagornerie aucune – même si l’on me tient parfois pour un complimenteur patenté et un distributeur automatiques d’éloges, en plus de mon fâcheux tic à coup de « je suis désolé » qui fait d’ailleurs la fortune et le bonheur des participants à l’atelier d’écriture, parodiant à l’envi mes « excusailleries obsessionnelles », ce qui est, convenez-en, un honneur – que Azzedine mérite tous les adjectifs qualificatifs habituellement réservés aux personnes généreuses de son acabit.

Ce qui m’avait d’emblée épaté chez lui, c’était son sens élevé de la pédagogie. Azzedine, c’est vraiment l’homo communicator. Il a un don inné pour le relationnel et l’action de proximité. « Ça va comme tu veux ? » l’entends-je souvent lancer à la cantonade, le sourire large comme ça, dès qu’un môme montre timidement sa tête en franchissant la porte de la salle Internet pour demander un poste. Les jeunes comme les moins jeunes, les petits et les grands, les mamies et les petites minettes, tout le monde lui court après.

Sa disponibilité, sa sensibilité, son humilité et son sens de l’écoute lui ont valu de remporter tous les cœurs au suffrage universel. Avec délicatesse, il sait faire autorité sans froisser. Il met discrètement de l’ordre, canalise les énergies bouillonnantes des plus jeunes et vole au secours des aînés. Débordant largement son travail d’informaticien, il n’hésite pas à prêter main forte pour toute affaire où il pût être de quelque aide pour son prochain.

Prompt à servir, je n’ai pas fini de lui demander quelque chose que c’est déjà fait, à croire qu’il a de surcroît le don d’ubiquité. Et, avec ça, il est d’une intelligence, d’une sagacité d’esprit, exceptionnelles, qui jurent parfois avec sa candeur.

Il faut dire que le rôle du grand frère, ça le connaît, lui qui se trouve être l’aîné d’une fratrie de sept enfants : quatre filles et trois garçons (lui inclus). « D’ailleurs, je continue à dire « mes petites sœurs » tellement j’ai grandi avec cette image de l’aîné et toutes les responsabilités qui vont avec » me confie-t-il. Je connais un peu ce sentiment, étant moi-même l’aîné d’une famille nombreuse, avec un père tôt décédé. Responsable, voilà un autre mot qui devrait le résumer.

Il se sent responsable du monde entier, me donne-t-il l’impression, tant il est sur tous les fronts. D’ailleurs, je crois même savoir qu’il sévit en capitaine de l’équipe de foot locale où il occupe le poste de libéro. C’est son péché mignon, le ballon rond, et l’OM, sa chapelle du dimanche « parce que c’est une équipe proche de mes racines ».

Je lui pose la question au début de nos entretiens, de savoir s’il serait ravi de voir le PSG relégué en Ligue 2. Il est tenté de répondre par l’affirmative, mais son grand cœur a très vite raison de toute velléité chauvine. « En tant que club de la capitale, le PSG me fait de la peine, même si mon cœur bat pour l’OM » concède-t-il. Hier, il supportait Manchester contre les méditerranéens de Barcelone allez savoir pourquoi. Plutôt j’ai ma petite idée. Il faut savoir que l’humanité est séparée en deux blocs manichéens : les aficionados du Barça et ceux du Real Madrid. Lui, il fait partie de la seconde catégorie, séquelle d’une longue addiction à la « zizoumania ».

Azzedine Messaï, (avec un tréma sur le i insiste-t-il, « pour être intégré et pas désintégré ») est né en 1969. Il est du signe balance pour ceux que cela intéresse. Il n’aime pas être défini comme informaticien. « Je suis un généraliste plutôt qu’un spécialiste » clame-t-il. Il me rappelle cette réflexion de Schopenhauer : « Les talents de premier ordre ne seront jamais des spécialistes. L’existence, dans son ensemble, se présente à eux comme un problème à résoudre, et à chacun d’entre eux, l’humanité offrira sous une forme ou sous une autre des horizons nouveaux. Seul mérite d’être appelé génie celui qui fait du grand, de l’essentiel, et du général le sujet de ses travaux et non celui qui passe sa vie à expliquer quelques relations particulières de choses entre elles. »

Azzedine est né « sur l’autre rive », en Algérie. On est ainsi « du même bled » pour reprendre la légende d’une photo mémorable parue dans Le Bien Public où nous paraissions côte à côte. « Mon pays de cœur est l’Algérie. La carte de l’Algérie est en moi » frisonne-t-il, avant de souligner : « Mais la France est mon pays d’adoption ». Et de préciser : « Je suis Chaoui (berbère de l’est algérien) et fier de l’être, mais je suis DZ avant tout ». Père de deux enfants, il assure que ses gamins sauraient reconnaître l’Algérie sur une carte. Azzedine est exactement originaire de Ain El Beida, la ville qui donna à l’Algérie, en plus de Azzedine, deux de ses meilleurs artistes, deux Rachid magnifiques : l’immense écrivain Rachid Boudjedra et l’immense calligraphe et plasticien Rachid Koraïchi.
Azzedine est arrivé en France à l’âge de deux ans. Son père s’y était établi en 1962, soit l’année même de l’indépendance de l’Algérie. « Quelle boutade de l’histoire ! » lâche Azzedine.

Sa famille habita d’abord Dijon avant d’emménager très vite dans une HLM à Chenôve. Depuis, Azzedine est devenu un Bonbi par ancienneté. Côté études, il aura un parcours dispersé. « J’ai fait un cursus atypique » dit-il. De fait, il slalome entre plusieurs disciplines, ballotant entre un cursus professionnel et des études généralistes. Après le bac, il fait sa fac à Dijon, en administration économique et sociale. Il revient ensuite vers un « cursus beaucoup plus terre-à-terre » avec un BTS technico-commercial.

Mais le marketing, avec son côté hâbleur et bonimenteur, ce n’est pas son dada, avoue-t-il. Cela ne lui ressemble pas. « J’avais plus la fibre bénévole et sociale ». « Je te donnais le produit tout de suite, je ne te le vendais pas » résume-t-il avec son sens tranchant de la formule. « Je serais derrière le bar, il y aurait plein de monde dedans mais rien dans la caisse » s’esclaffe-t-il. Parallèlement à ses études, il développe donc une activité bénévole.

A ce titre, il monte avec des copains une équipe de foot de quartier à Chenôve qui sera baptisée Dijon-Wac. Le « w » c’est pour le « widad » qui signifie l’amicale, une appellation qui revient souvent dans les enseignes des clubs sportifs au Maghreb. * En 1996, Azzedine intègre la bibliothèque François Mitterrand armé d’un diplôme « ABF » donnant accès à l’animation en bibliothèque. « J’ai commencé au rayon BD. J’ai fait mes classes à la section Jeunesse. » confie-t-il. Il tient, au passage, à rendre hommage à deux grandes dames qui lui ont ouvert les portes du métier : l’admirable Pascale Charbonneau, la directrice de la bibliothèque de l’époque, et Françoise Souclier, responsable de la section Jeunesse avec qui il a démarré, une dame absolument succulente qui a passé la première partie de sa vie à Oran. « Ce sont ces deux femmes qui m’ont donné envie de rester, d’autant plus que ce n’était pas ma vocation première de travailler dans une bibliothèque. »

Bientôt, il rejoint l’Espace public numérique dont il devient le responsable. Je pus mesurer l’engouement suscité par l’EPN et son fringant administrateur. « C’est un lieu ouvert à tous et qui appartient à tous » insiste-t-il pour expliquer sa « ligne éditoriale ». Il n’est pas peu fier du brassage produit par la bibliothèque en général et l’espace Internet en particulier. Azzedine plaide pour une démocratisation du web. « Le brassage par le Net contribue à la résorption de la fracture numérique » analyse-t-il avec acuité. Au quotidien, cela fait plein de boulot. Azzedine conseille ceux qui veulent s’initier à titre individuel, ou qui veulent acquérir du matos ou bien souscrire à un abonnement Internet.

Il aide aussi les immigrés à remplir des documents administratifs, gère le timing de l’utilisation du Net (deux fois 45mn par semaine), bref, tout un management humain et social. L’une des missions qu’il s’est assignées est l’animation d’un atelier de sensibilisation à l’informatique à l’intention de groupes de seniors. Cela s’étale sur deux séances, l’une le mardi avec un groupe chapeauté par la Maison des Aînés, et avec lequel il est passé au stade du perfectionnement, et un autre groupe le vendredi, issu majoritairement du Centre Social. C’est un groupe à dominante maghrébine qui suit en même temps un programme d’alphabétisation.

J’eus l’occasion d’assister à un de ces cours avec ce dernier groupe. De voir ces « Chibani » s’initier au b.a.-ba de l’Internet a quelque chose de touchant. Dans l’atelier, l’ambiance est bon enfant. Sur un plateau, du jus d’orange et des madeleines. « Nous sommes une bibliothèque gourmande » ironise Azzedine. Manger est un verbe convivial. C’est ce qui explique sans doute cette propension à partager la nourriture comme on partage la vie, dans le quotidien de la bibliothèque. Les lecteurs aussi ramènent souvent des petits plats de chez eux pour exprimer leur attachement aux bibliothécaires, devenus dans leur affect une véritable famille.

Les participants me souhaitent aimablement la bienvenue. Majoritairement Marocains et Algériens, ils m’expriment chaleureusement leur fierté de voir un des leurs « réussir ». Cela m’émeut beaucoup. Ce jour-là, Azzedine apprenait à ses « élèves du troisième âge » comment utiliser le dieu Google. Rechercher l’annuaire téléphonique, se renseigner sur le cours de la devise au bled ou le prix du carburant, tout y passe. Il leur fait même un tour en bourse on-line pour voir de près le CAC 40. « On n’a rien mais je leur montre qu’on peut faire fluctuer la bourse avec ce rien » commente Azzedine.

Il leur apprend également à lire le journal sur le web, consulter le site d’un quotidien marocain ou algérien. A un moment donné, il leur propose de les emmener surfer sur le site de la présidence française. La tronche de Sarko est à l’accueil. Il les invite à cliquer sur « écrire au président » et à se balader virtuellement dans les jardins de l’Elysée sans complexe.

Azzedine ne cache pas son estime et son affection pour ces gens qui ont l’âge de son père, et qui l’ont vu grandir. « Je tire chapeau bas à ces personnes qui ont franchi la porte de la bibliothèque. Je suis d’autant plus admiratif qu’ils sont partis de rien, comparés à d’autres groupes. Ils ont dû franchir sans complexe les murs de cette bibliothèque qui transpirent la culture. Ils ont franchi la barrière de la langue, la barrière de l’écrit, avant d’arriver à la barrière du clavier. »

Je suis tenté d’ajouter également la barrière de l’âge. « J’ai beaucoup de respect pour toutes ces personnes qui ont trimé à la pelle et à la pioche pour que leurs enfants étudient et aient accès à la culture » ajoute Azzedine avec humilité. Pour lui, au-delà de l’initiation, le vrai but du jeu, c’est de tisser du lien social. Oui, indéniablement, le véritable enjeu est celui-là : créer du lien. C’est le « marketing du cœur ». « Moi, je ne veux pas me limiter à mon boulot d’informaticien » martèle-t-il. « Ma vraie passion, c’est l’humain. »

Je reviens le harceler avec ma question de départ : et si le PSG succombait à ses blessures ? Son subconscient « marseillophile » lui dicte d’enfoncer la bande à Pauleta, mais sa conscience classe (pas de classe) lui recommande retenue, fair-play et solidarité. Comme toujours…

Mustapha Benfodil
Publié par Benfodil à mercredi, avril 23, 2008