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LE FOOTBALL D’ENTREPRISE DEVIENT ADULTE (1980-2010)

La récession économique va transformer le paysage du football corporatif. Les équipes d’entreprises à caractère industriel vont céder la place aux entreprises du tertiaire et notamment celles dont les comités d’entreprises possèdent les reins les plus solides. Les équipes à caractère municipal vont trouver également un envol dans ce cadre-là.

Curieusement, au sein des clubs d’entreprises, on assiste à une prise en main plus « professionnelle » de la part de ceux qui les dirigent. Un transfert intellectuel de l’activité du bureau transposée à l’activité sportive et associative se fait récurrent. Excepté ce mauvais jeu de mots, la gestion des clubs du championnat corporatif, du moins pour leur élite, s’apparentent de plus en plus à partir du début des années 80 à celle qui se fait le dimanche.  On y décèle peut-être encore plus de méticulosité du fait qu’il n’est pas fait obligation aux clubs d’entreprises de posséder réglementairement des équipes de jeunes. De fait, tout est donc construit autour de l’équipe fanion et de sa réserve, voire des équipes complémentaires. Plus de dirigeants sur moins d’équipes à gérer, quel club n’en a pas rêvé ?


Du fait de la récession économique et du facteur chômage plus prononcé, nombre de pratiquants optent pour l’opportunité d’obtenir un travail grâce à leurs qualités de footballeurs. Ceci n’explique pas tout, mais participe à l’essor du football corporatif qui voit ses effectifs évoluer. De nombreuses grandes et moyennes entreprises créent leur équipe de football, les municipalités et les services communaux qui s’y rattachent en font de même. Enfin, tandis que le secteur industriel perd une partie de ses équipes, le secteur tertiaire prend les places vacantes au gré des circonstances.

Parallèlement au lien étroit unissant  l’économie française et le football corporatif, les instances dirigeantes travaillent sur un projet permettant de donner une envergure nationale à ce football qui du fait de son essor, a besoin de sortir des frontières étroites des ligues régionales. Ceci, pensent-ils, permettra de favoriser cet essor, mais aussi fidélisera ses adhérents en proposant aux meilleurs d’entre eux d’autres challenges, de permettre enfin de donner une image encore plus valorisante et attractive du football corporatif.

C’est ainsi qu’il est envisagé de créer un championnat regroupant les meilleures formations des ligues dans lesquelles le football corporatif est implanté, soit 19 sur 22. Par souci d’équité, on invitera les équipes au prorata des effectifs des différentes Ligues.


Le premier Championnat national est mis en place durant la saison 1981-1982 et le premier vainqueur à apposer son nom au palmarès est Buzzichelli Toulouse. Le Buzzichelli Toulouse Leva Sports, est considéré comme l’un des tout meilleurs clubs de football français de sa catégorie depuis près d’un quart de siècle, grâce à son recrutement de joueurs expérimentés (à l’image d’un Richard Boucher dans les années 60 et 70 ou d’un Elie Baup au début des années 80 autant que d’entraîneurs (comme Angel Marcos 1979 à 1984). Drôle de paradoxe qu’au moment de l’envolée des équipes du tertiaire, ce soit un représentant du tissu industriel qui remporte le premier championnat de France, et que dans une compétition purement amateur par tradition, ce soit le club utilisant dans ses rangs d’anciens professionnels qui l’emporte.

On est au début des années 80 et une nouvelle ère du football corporatif commence. Le but recherché du football d’Entreprises est de permettre, avant tout, de tisser un lien supplémentaire d’amitié entre les salariés et d’attirer sur les stades de nouveaux adeptes, quel que soit leur niveau. Du moins, c’est le discours que tiennent les élus au moment de sa création. Le football corporatif des ligues régionales s’en trouve valorisé. Ce retour aux sources du football de base est prôné par la fédération, car pour un maximum de pratiquants, on doit obtenir un maximum de plaisir dans un football ouvert à tous (et à toutes car le football féminin fait partie également de la politique fédérale).


Connu depuis des lustres sous l’appellation de football corporatif, la notion de football d’entreprises est validée en tant que telle en 1996 par l’Assemblée Fédérale. Dans les instances du football, on estime que ce changement d’appellation va permettre de redonner un élan supplémentaire. On cherche surtout à se rapprocher un peu plus du nouveau paysage du football du samedi dont les ramifications touchent dorénavant toutes les branches des divers secteurs, mais dont l’élitisme se façonnent cependant  financièrement. Le nouvel environnement est en marche. Il est clair qu’en cette fin de 20ème siècle, l’élite se compose d’équipes d’entreprises à caractère national, départemental et municipal très développé et possédant des comités d’entreprises très impliqués , poste, entreprises de téléphonie,  secteur bancaire,  municipalités, secteur médical. A cela s’oppose les clubs dont le caractère paternaliste rejoint celui des années 20, où un responsable donateur, sans parler ouvertement de mécène, oppose une autre particularité.

L’exemple le plus approprié est celui du Groupe Nicollin de Montpellier dont le fonctionnement très particulier prouve que l’on peut concilier emploi dans l’entreprise et reconversion de sportif de haut niveau. Si l’idée peut choquer au premier abord, elle n’est pas si répréhensible que cela parce qu’elle occasionne d’une part une émulation sportive (battre sur le terrain un groupe d’anciens professionnels), d’autre part un plaisir non dissimulé (rencontrer des joueurs ayant touché le haut niveau), pour peu que ceux-ci sachent se mettre à la portée relationnelle et  humaine de leurs adversaires. D’ailleurs, cela peut aussi servir d’exemple à d’autres pour peu que les moyens financiers et humains le permettent. De plus, n’est il pas juste de reconnaître que le football d’entreprises dans son ensemble a bénéficié largement de la publicité ouverte autour d’un cas très particulier qui fera, pourquoi pas, dans les années à venir, des émules ?

Ceci pour dire que le football d’entreprises est ouvert à tous :

  • anciens joueurs professionnels et  anciens amateurs de bon niveau en reconversion,
  • agents d’entreprises lambdas pour un simple loisir de l’effort et du partage,
  • joueurs au niveau plus humble mais soucieux de partager certaines valeurs,
  • pratiquants recherchant prioritairement un emploi stable,
  • joueurs passant au championnat du  samedi recherchant une certaine idée du sport qui tend à disparaître des joutes du dimanche.

A l’orée du 21ème siècle, on peut considérer que le football d’entreprises se porte bien malgré les vicissitudes liées à l’économie et à ses contraintes. Il possède un championnat national qui fête ses 25 ans, et dont une nouvelle version, dont nous reparlerons dans le prochain article, va voir le jour. Il détient une coupe nationale toujours très prisée par l’ensemble des clubs et qui a traversé les années sans une seule ride. Il possède enfin des championnats régionaux de plus en plus intéressants et diversifiés.

Mais progressivement, tout cela va péricliter.

Rédacteur : Bernard DUCELLIER (et D TESTE)

Photos : D TESTE