En cette période forcément calme au niveau sportif, et grâce à l’énorme travail de Bernard Ducellier, l’opportunité était grande de vous offrir sous forme de feuilleton et jusqu’à la reprise de l’activité, l’Histoire, avec un grand H, du football d’entreprise de ses débuts jusqu’à nos jours. En essayant de ne pas trop les intellectualiser, ces articles, en fil rouge, ne seront d’ailleurs que des survols des périodes concernées tant le sujet reste vaste et inexploré.
Nous espérons néanmoins qu’ils vous permettront de vous faire patienter durant ces quelques semaines d’inactivité. N’hésitez donc pas à venir nous rendre visite sur le site, sachant que chaque épisode, à partir du deuxième, sera mis en ligne chaque semaine. Rendez-vous lundi !
Les huit volets à venir :
- PREAMBULE : L’UTILISATION DU SPORT PAR LES ENTREPRISES
- LES PREMICES DU FOOTBALL CORPORATIF (1900 – 1920)
- L’EVOLUTION DU FOOTBALL CORPORATIF D’APRES-GUERRE (1919-1939)
- LA DISPARITION TEMPORAIRE DU SPORT CORPORATIF (1939-1945)
- LA REPRISE DES COMPETITIONS (1946-1960)
- L’ESSOR DU FOOTBALL CORPORATIF (1960-1980)
- LE FOOTBALL D’ENTREPRISES DEVIENT ADULTE (1980-2010)
- LES NOUVEUX CONCEPTS ET LA CRISE ECONOMIQUE
1/ L’UTILISATION DU SPORT PAR LES ENTREPRISES
Préambule : Une histoire séculaire Le sport et l’entreprise font l’objet de multiples analogies et partagent plusieurs valeurs communes : esprit de compétition, dépassement de soi, culte de la performance, etc. Ces valeurs ne sont pas l’apanage des entreprises contemporaines et le sport en entreprise s’est institué sur une logique historique que le discours commun a parfois tendance à oublier aujourd’hui. La prise en compte du sport par les entreprises est le produit d’une histoire colorée par le paternalisme et s’apparente, à quelques exceptions près, à la version du sport corporatif du début du 20ème siècle.
En France, il faut remonter au milieu du 19ème siècle pour voir émerger des affinités entre le monde sportif et celui des fabriques industrielles: les entrepreneurs s’intéressent alors au sport dans le cadre de leur politique d’œuvres sociales. Le sport n’a aucune vocation élitiste.
Un peu plus tard, destiné à l’exercice ou à la récréation des ouvriers, principalement ceux de l’industrie automobile, il possède une propension éducative et n’est pas encore structuré (ni clubs ouvriers, ni associations sportives, ni fédération du sport d’entreprise). Par la pratique physique, les patrons cherchent à contrôler et à discipliner les masses ouvrières.
Le sport paternaliste occupe les travailleurs pendant leur temps libre, assure une meilleure identification à l’entreprise et permet d’inculquer un système de valeurs et de conduite, un esprit de corps et de compétition augmentant l’efficacité des gestes au travail. De plus, le sport paternaliste rend le travail acceptable à l’ouvrier d’un point de vue physique mais aussi psychologique.
C’est à partir du début du 20ème siècle que la pratique compétitive apparaît. Au paternalisme succède le sport corporatif. La compétition industrielle se reflète sur les terrains et chaque entreprise tente de véhiculer l’image d’une manufacture puissante, tout en essayant de susciter un processus d’identification et de patriotisme d’entreprise. L’utilisation intéressée de la pratique sportive trouve d’autres terrains de prolifération puisque certains employés sont embauchés uniquement pour leurs compétences sportives : ” On m’a dit que si j’accepte de jouer au Club Olympique de Billancourt, je serai embauché chez Renault “.
Quelques traces éparses des affinités lexicales entre ces deux espaces apparaissent durant les “années folles”. Le journal interne de l’entreprise Berliet, significativement intitulé L’Effort, stipule en 1920 qu’une ” usine bien organisée doit être comme une équipe de football […] où chacun se met de lui-même à la place qui lui convient le mieux, et où il remplit son rôle, avec orgueil, avec joie, de tout son cœur “.
Les prémices de l’institutionnalisation du sport dans l’entreprise se trouvent dans la création, dès 1898, des ASPTT. La prédominance de l’industrie de l’automobile en fait une des avant-gardes de l’utilisation du sport (création du Club Olympique des Usines Renault en 1917, du Football Club de Sochaux en 1928 et de l’Athlétic Club Citroën en 1931). Par la suite, les syndicats défendent l’idée d’une gestion des activités sociales de l’entreprise pour éviter toute forme de paternalisme, et l’ordonnance du 22 février 1945 relative à l’apparition des comités d’entreprise offre une structure adéquate à l’organisation du sport.
Le début des années 1980 marque le nouvel âge du sport et précipite, dans un contexte de réhabilitation des valeurs libérales, l’indispensable redéfinition du rôle et des fonctions du service des ressources humaines. Plus récemment, ce phénomène trouve comme facteur accélérateur l’importance grandissante du consulting en entreprise et l’avènement des coaches, sorte de “sorciers” permettant de réduire l’imprévisibilité du facteur humain.
De nos jours, le club d’entreprise fonctionne quasiment à l’identique d’un club municipal ou d’une association sportive, excepté ses obligations contractuelles en termes de « jeunes ». L’ouverture volontariste de l’individu vers une certaine philosophie du sport devient le garant de l’état d’esprit dans lequel le sport corporatiste doit être pratiqué. Le plus souvent, c’est la garantie de l’obtention d’un travail qui prédomine. Ces deux facteurs délimitent la frontière qui existe entre la pratique du sport le samedi et celle du dimanche. Elle en réduit également l’écart de valeur.
Le football d’entreprise, c’est un palmarès, une coupe nationale dont la 100ème édition est proche, un championnat national qui, suite à sa refonte, fêtera ses 40 ans en 2021, c’était une équipe de France créée en 1926 et qui faisait honneur au football français dans les rencontres internationales qu’elle disputait.
Le football d’entreprise, c’est, bien sûr, une pratique, mais qui se double d’une véritable identité. C’est une famille à part entière. Le club d’entreprise, c’est une autre idée du sport, animé dans le monde du travail et parfaitement intégré au sein de la Fédération.
A ce titre, le football d’entreprise, qui a souffert durant de nombreuses années, a été très longtemps pénalisé par les conséquences de la crise économique. Il mérite la considération de l’ensemble de la famille du football, de ses instances, de ses dirigeants. C’est la raison pour laquelle dans les semaines qui vont suivre, nous allons vous rapporter, humblement, en plusieurs volets hebdomadaire, l’histoire du football d’entreprises.
Rédaction et agrégation : Bernard DUICELLIER (et Daniel TESTE)
Photos :
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