J’ai grandi, je me suis construit au sein de ce football amateur
Nous avons eu le plaisir d’échanger avec Jamel Sandjak, Membre du Comité Exécutif de la FFF et Président de la Ligue de Paris Ile de France
Récemment élu au sein du COMEX de la FFF, Jamel Sandjak est chargé du football amateur mais aussi du lien entre le COMEX et le BELFA (Bureau Exécutif de la Ligue du Football Amateur)
Le Président de la Ligue de Paris IDF est également vice-Président du CROSIF (Comité Régional Olympique et Sportif Ile de France) dans lequel il est en charge de l’éducation et de la citoyenneté : deux mots qui constituent en grande partie son fil conducteur depuis qu’il a intégré le monde du football, il y a plus de 40 ans. Sa conviction est que le mouvement sportif amateur est l’un des principaux artisans de la cohésion nationale. Il appelle à mieux exploiter ce formidable laboratoire qu’est le sport amateur et en particulier le football amateur.
Simple coïncidence : sa famille était prédestinée pour vivre et respirer le football : 11 à la maison dont 3 sœurs, soit une équipe complète. D’ailleurs, le chiffre 11 est un chiffre qui l’a suivi : 11 montées en 14 saisons au sein de son club de cœur, l’Olympique Noisy-le-Sec. Chez les Sandjak, on sait ce que le travail, le collectif et la progression veulent dire.
Les clubs, joueurs, dirigeants bénévoles du Football Entreprise, mais pas que, fondent beaucoup d’espoirs sur sa force de conviction pour faire remonter leurs idées et celles de l’UNFE au plus haut niveau. L’ensemble du Football amateur compte sur lui !
Président, dans le journal Le Monde, daté du 26 Mars dernier, vous avez déclaré :
’’Le mouvement sportif amateur est l’un des principaux artisans de la cohésion nationale. Il réussit chaque jour, avec peu de moyens et encore moins de considération, à remplir le rôle implicite d’intégrateur républicain pour nos enfants que lui confie la collectivité.’’
Nous supposons que pour vous les éducateurs y jouent eux aussi un rôle essentiel ?
JS: Les éducateurs sont en effet à la base de cet édifice que constitue ce mouvement sportif amateur dont j’évoque toutes les vertus dans cet article. C’est une position que je défends depuis des décennies de par mon expérience en club en tant que joueur, éducateur et dirigeant. L’éducatrice et l’éducateur ce sont les femmes et les hommes dont vous vous rappelez bien des années après. Ce sont eux qui vous ont marqué bien plus qu’un dirigeant ou même qu’un coéquipier. Vous n’avez pas oublié toute l’attention, tous les précieux conseils, tout le dévouement qu’ils ont eu à votre égard. Avec vos parents, vos professeurs, ils ont forgé votre éducation. Et c’est en cela que je clame encore aujourd’hui l’importance de ce mouvement sportif qui maintient partout une cohésion nationale, mise à mal, malgré le peu de moyens et de considération.
Aujourd’hui à la FFF, je veux me battre pour la valorisation de ce mouvement sportif amateur.
Les dirigeants bénévoles sont bien sûr partie intégrante de ce mouvement. La plupart d’entre eux œuvrent dans l’ombre, à ce titre vous avez clairement exprimé dans l’article évoqué précédemment l’impérieuse nécessité de leur accorder une meilleure reconnaissance et un focus plus prononcé sur les rôles qu’ils assument. Comment y parvenir ou au moins comment aller en ce sens ?
JS: Je pense que cela passe, comme nous l’évoquons depuis des années déjà, par un statut clair, défini du bénévole qui ne peut plus, qui ne doit plus être livré à lui-même. Il est de plus en plus rare dans nos clubs et reste cependant un maillon essentiel dans un contexte où même les clubs amateurs se professionnalisent et c’est une bonne chose. Le temps où le bénévole dépensait son argent pour s’occuper des gamins est révolu.
Nous devons lui donner les moyens de son action. La passion ne suffit plus toujours même si elle reste un élément moteur dans notre football. Nous devons aussi le former afin qu’il acquière également des compétences qui pourront lui servir par ailleurs. C’est du gagnant-gagnant. Il participe par son implication, ses connaissances et en donnant de son temps à l’évolution et à la vie du club. Et en retour il doit être reconnu, valorisé et surtout doit retirer, lui aussi, des bénéfices de cette implication.
Et pour vous, ”le bénévole” en trois mots, c’est qui ?
JS: Un passionné, une personne de confiance et un facilitateur.
Avec cette pandémie, le recours au télétravail a explosé dans les entreprises. De nombreux décideurs, les DRH notamment, estiment pourtant qu’il y a des limites lorsqu’on assume une activité professionnelle majoritairement en distanciel, ce mode de fonctionnement pouvant altérer, voire nuire à la cohésion sociale. Le sport collectif et plus particulièrement le football peuvent-ils, d’après vous, contribuer à retisser du lien au sein des entreprises ?
JS: Le club et l’entreprise sont deux entités qui, à bien des égards, se ressemblent. Et c’est pour cela que je suis persuadé que le sport en entreprise a, non seulement toute sa place, mais est aussi porteur de valeurs favorisant la cohésion au sein d’un groupe. La pratique d’un sport au sein d’une entreprise ne peut être que bénéfique avec un phénomène d’identification à des couleurs, comme on s’identifie à son entreprise. Cela ne peut que renforcer les équipes d’autant plus, comme vous le soulignez, dans ce contexte sanitaire où le distanciel a ses limites.
Avant la survenue de cette pandémie, nous voyions se développer dans les entreprises des pratiques sportives individuelles. C’est une bonne chose car le sport ne peut être que bénéfique. Mais je crois aussi que la pratique collective a des vertus supplémentaires car elle développe cette notion d’entraide, de solidarité, de performance de groupe qui est très utile aussi en entreprise.
Compte-tenu de la baisse très significative des licenciés pensez-vous que cet axe de développement peut se révéler à terme une piste intéressante à exploiter pour et par la FFF ?
JS: C’est un axe effectivement qui doit s’inscrire dans une politique générale de développement ou chacun a sa place et où tout le monde doit pouvoir pratiquer le football à la mesure de son talent, de ses besoins et de ses aspirations. Le football a cet atout incroyable de la simplicité et de l’universalité qui permet de le pratiquer n’importe où, n’importe quand, et avec qui on le souhaite.
Une question de Mathieu Bodmer, un des deux parrains du Football Entreprise avec Nicolas Douchez : ’’On remarque depuis quelques saisons que des joueurs professionnels (Jaroslav Plasil, Rio Mavuba, Matthieu Chalmé, Sydney Govou, Cyril Théréau…) rejoignent le football Entreprise car ils y trouvent un cadre agréable pour continuer à pratiquer leur passion dans un cadre convivial et avec un niveau de jeu qui les surprend souvent.
Pensez-vous que ces joueurs, au regard de leur vécu, peuvent contribuer à donner de la visibilité au football dans sa déclinaison au sein des entreprises ?”
JS: C’est un plus indéniable que des joueurs de ce calibre rejoignent le Foot Entreprise et s’y impliquent en devenant même des parrains de la pratique. Mais je me souviens aussi qu’il y a 20 ans déjà d’anciens grands joueurs de football, qui avaient évolué en professionnel, avaient intégré aussi le Foot Entreprise. Je crois que ce Foot Entreprise est porteur de valeurs qui peuvent effectivement constituer un réel attrait pour des footballeurs qui sont aussi des anciens internationaux. Ils continuent à exercer leur passion qui a guidé, jusqu’ici, toute leur vie. Et dans un contexte où la convivialité, le plaisir de jouer et surtout de se retrouver a toujours été un moteur. Mais attention car comme vous le dites le Football Entreprise est aussi très compétitif. Nous y retrouvons un niveau de jeu très élevé qui permet d’allier effectivement cette compétitivité au plaisir. Soit un compromis idéal pour ces anciens joueurs pros mais aussi pour les autres. En cela le Foot Entreprise est particulièrement attractif.
La féminisation du football progresse et c’est une bonne chose. Vous soutenez le football féminin et de façon également très concrète le football entreprise, nous avons pu le mesurer. Ce double soutien peut-il, d’après-vous, favoriser le développement du football au sein des entreprises et cela sous différentes formes ?
JS: Depuis mon arrivée en 2013 à la tête de la Ligue je n’ai eu de cesse de donner à chacun une accessibilité maximale à ce sport merveilleux qu’est le football. Tout le monde doit avoir la chance de pratiquer le football dans les meilleures conditions. Et c’est vrai que nous avons entrepris et mis en place une politique de développement ambitieuse notamment pour le football féminin. A la Ligue de Paris Ile-de-France de Football nous avons été novateurs, précurseurs. Dès les premières semaines nous avons lancé l’opération « Le football féminin, c’est déjà un but » qui perdure et qui prend chaque année plus d’ampleur. Alors que le football masculin était célébré lors de l’Euro 2016 en France, nous avons pris le contre-pied de créer à Paris la « Paris Européan Cup », un grand tournoi féminin européen qui a eu un grand succès avec des finales à Paris éblouissantes sur le Champ de Mars. Nous avons renouvelé l’expérience avec la « Paris Ladies Cup » en préambule de la Coupe du Monde Féminine en France en 2019.
L’opération « Fais briller ton quartier » a permis aussi d’aller à la rencontre des jeunes filles non licenciées afin de leur donner l’envie d’intégrer un club. Nous avons également mis à l’honneur l’ensemble du football féminin en réunissant les actrices de ce football lors de la soirée des bâtisseuses et dans un grand colloque organisé au Sénat en présence de grandes personnalités du sport et de la politique. Mais ce que nous faisons pour le football féminin, nous le faisons aussi pour le Futsal avec l’opération « Topfutsal » et aussi pour le Foot Entreprise qui a toujours été aussi au centre de nos préoccupations comme nous le prouvons en créant au sein de la Ligue un pôle développement et promotion du foot en entreprise.
Sur proposition de l’UCEFF et appui de l’UNFE, la ligue Paris Ile de France vient donc de valider la mise en place de ce pôle développement et promotion du foot en entreprise au sein de la Commission Régionale FE.
En qualité de président de la LPIFF quelles sont les raisons qui vous ont amené à valider ce projet ?
JS: Comme je l’ai dit tous les axes de développement du football doivent être considérés. Et la Ligue de Paris Ile-de-France de Football a une réelle légitimité pour être la locomotive du développement du Foot Entreprise. D’abord il est bon de rappeler que l’un des éminents présidents de la Ligue, Jean Verbeke, était issu de ce Foot Entreprise. Nous avons cette culture historique. Et puis les clubs franciliens, par leurs fantastiques résultats, ont porté haut l’étendard de ce Foot Entreprise dans toute la France. Il est plutôt logique également que la région francilienne, qui a sur son territoire de nombreuses très grandes entreprises, soit moteur dans ce domaine.
La création de ce pôle régional s’inscrit dans l’esprit d’un plan national, tant souhaité par l’UNFE, ce plan devrait être mis en place au sein de la LFA (Ligue de Football Amateur), nul doute que le pôle francilien aura valeur d’exemple pour une réplique dans d’autres ligues, qu’en pensez-vous ?
JS: La Ligue de Paris Ile-de-France de Football, de par sa position, est souvent une locomotive et nous nous félicitons qu’elle le soit encore. A titre personnel je me suis battu, depuis des années au sein du giron fédéral, afin que le Foot Entreprise conserve toute la place qui doit être la sienne dans notre football hexagonal. Je suis donc particulièrement satisfait de la création et de l’esprit de ce plan national conduit par des personnes compétentes au BELFA d’autant plus qu’aujourd’hui, avec mes collègues et amis au COMEX de la FFF, nous serons nous aussi impliqués.
Membre du Comex de la FFF vos missions concernent essentiellement le monde amateur, au sens large du terme, la formation, les compétitions, etc. Vous le savez, les clubs, les joueurs et les dirigeants fondent beaucoup d’espoirs sur votre force de conviction pour défendre leurs intérêts, pouvez-vous nous préciser vos visions pour mener à bien cette mission très délicate, y compris pour le foot Entreprise ?
JS: C’est très simple, mon credo a toujours été la défense du football amateur. J’y ai consacré toute ma vie à différents postes. Je n’ai jamais varié d’un iota sur mes positions. J’étais parfois seul dans ce combat, parfois accompagné. Je ne l’ai pas fait par simple humanisme. Mais parce que je suis l’exemple type de ce que ce mouvement sportif amateur, que nous évoquions en début d’entretien, peut produire de positif. J’ai grandi, je me suis construit au sein de ce football amateur. Et je me battrai jusqu’au bout pour que d’autres petites filles, d’autres petits garçons, des adultes, des vétérans puissent bénéficier à leur tour de tout ce que cela m’a apporté.
Aujourd’hui que je suis au cœur du système et comptez sur moi pour porter encore plus toutes les préoccupations et aider ce football amateur qui m’a tant donné et dont je connais les vertus incomparables.
Il nous reste, Président, à vous remercier pour votre réelle implication dans les actions qui sont en train de se mettre en place en faveur du football Entreprise. Il était sans doute dommage de laisser « en veille » cette pratique historique de la FFF, elle mérite beaucoup mieux !
Rappelons que 2023 sera l’année du 100ème anniversaire de la Coupe Nationale Entreprise ; nous souhaitons vivement pouvoir fêter cet événement à sa juste mesure !